Vendez vos produits à vos collègues !
Et si les autres équipes qui utilisent ce que nous produisons étaient en fait nos clients? Question simple et pourtant révolutionnaire.
Nous sommes à l’ère du numérique : nous produisons des logiciels pour gérer presque toutes les chaînes de productivité et de production.
Les produits qui sont consommés par nos clients externes ne sont que la partie émergente de l’iceberg, qu’ils soient numériques (logiciels) ou physiques (objets) ou interactifs (services). Quid de toute la machinerie interne qui s’organise et se relaie en dessous de la surface pour que cela soit possible?
Souvent, lorsque l’on observe les entreprises de plus près, on remarque que la structure de leur système d’information est à l’image de leur organisation (loi de Conway). Cf. article 4
Conway nous explique que “toute organisation qui conçoit un système, au sens large, concevra une structure qui sera la copie de la structure de communication de l’organisation”. Ainsi, quand vous achetez un nouvel appareil photo par exemple, vous trouverez une multitude de documents séparés, rangés soigneusement dans la boite : manuel d’utilisation, garantie, brochure commerciale, etc. Chacun est séparé de l’autre, avec parfois des designs et normes différentes, et contiennent pour certains des informations répétitives. Ceci est un exemple qu’on a à peu près tous vécu (sauf si vous n’achetez que chez Apple) qui nous révèle que ces différentes équipes travaillent probablement en silos et ne se réunissent qu’à la phase d’assemblage du contenant final.
Dans beaucoup d’entreprises, moins la tech est un levier commercial, plus elle est utilisée comme levier de communication et de productivité au service de ce qu’on appelle communément les métiers.
Les métiers sont détenteurs de la valeur et la tech est à leur service.
Dans ces contextes, nombreux sont ceux qui participent à la construction de ces systèmes d’information internes et le déséquilibre des forces se fait souvent ressentir. Cf. article 3
Mais ce constat n’est pas une fatalité. Il est possible de changer cette dynamique moyennant une technique de communication très accessible mais redoutable : le marketing.
Et si vous vous mettiez à marketer votre “produit” à vos clients internes et partenaires?
Vous poserez peut-être la question : mais de quel produit parle-t-on? Si vous avez répondu aux questions de l’article 4, vous avez un bon début de réponse mais on peut aller encore plus loin.
Explorons ensemble l’univers des Jobs-To-Be-Done.
Cette théorie de Tony Ulwick a pour objectif d’identifier les motivateurs profonds qui poussent un consommateur/utilisateur à “recruter” un produit disponible sur le marché.
Un exemple assez commun est celui de la perceuse : quand une personne se rend au magasin pour en acheter, la fonction recherchée est bien de percer un trou mais derrière on pourrait identifier 3 dimensions distinctes de motivation:
- fonctionnelle : accrocher un cadre
- émotionnelle : voir sur le mur les photos de moments qui leur sont chers
- sociale : paraître autonome et adroit aux yeux de leurs paires
Ainsi, une bonne compréhension de ce qui motiverait un achat éduquerait, et les itérations de développement d’un produit, et le messaging autour.
C’est là où le marketing devient intéressant.
Marketer c’est avant tout identifier sa raison d’être.
Pendant des années, le marketing a fait usage des techniques comme les Jobs-To-Be-Done pour améliorer l’attractivité de leurs produits et gagner des parts de marché.
Cartographier les motivations de l’utilisateur final et l’ensemble des tâches qu’il aspire à exécuter donne une vue objective du besoin auquel on souhaiterait répondre et permet d’y apporter des solutions créatives et justes.
Maintenant qu’on a rapidement introduit les JTBD, en quoi cela serait utile pour une équipe qui alimente 5 autres équipes avec de la donnée par exemple?
Comprendre pour quoi (le besoin identifié) et à quoi (l’impact souhaité) servent ces données pour chacune de ces équipes permet de :
1- maitriser les interfaces avec chaque équipe
2- répondre au plus juste à leurs besoins spécifiques
3- structurer l’offre pour qu’elle réponde au mieux aux différentes attentes (stabilité, fiabilité, qualité, etc.) tout en restant cohérente, pérenne et évolutive.
Mais avant tout, cela sert à:
4- maitriser la communication avec les consommateurs.
5- avoir une vision produit avec une stratégie d’évolution claire et se transformer ainsi d’un centre de coût (roadmap imposée) à un centre de valeur (roadmap pondérée par l’impact)
En effet, pour beaucoup, le terme centre de coût fait partie de leur quotidien. Les métiers créent de la valeur et toute perception de ralentissement ou de perte de profit les frustrent, ce qui peut être compréhensible. Mais si on leur expliquait en quoi ce coût est en réalité un investissement rentable (ROI positif) et que derrière ils gagnent en productivité, ou même mieux qu’ils ne pourraient pas atteindre leurs objectifs sans les services technologiques que vous leur rendez?
Changer l’exercice d’une réponse passive à un besoin en mode projet, à une structuration de la relation en puisant dans les outils de la gestion de produit, rééquilibre la dynamique entre le client interne et le fournisseur, et assure une meilleure satisfaction des deux côtés. L’IT regagne sa place d’expert du produit en conseillant les métiers sur la meilleure solution à mettre en place pour répondre à leurs besoins, en expliquant ce qui ne peut se faire et en proposant les alternatives et délais possibles et qui contribuent à la livraison de la valeur finale.
Pour ce faire, une fois le besoin clarifié et le produit identifié, il est possible de mettre devant un coût (en €, Jours Homme, Story Points, etc.), un retour sur investissement possible et de présenter les bons arguments business aux bons interlocuteurs. Si ces interlocuteurs ne sont pas ceux qui financent ces travaux, il reste toutefois très utile de les embarquer dans cet exercice car ils seront vos porte-parole auprès des décideurs car ils y verront un gain quantifiable.
Plusieurs frameworks existent à cet effet (Buy a feature, Lean Portfolio Management, participatory budgeting, …). Si vous souhaitez en savoir plus, nous préparons une série d’articles plus techniques qui arriveront prochainement!
De cette transaction naît une collaboration basée sur un profit mutuel et une compréhension améliorée des impératives et préoccupations de chaque partie.
Ceci est applicable à la plupart des situations. Toutefois, si après tout ce travail introspectif, vous n’arrivez pas à identifier un retour sur investissement possible, il se pourrait bien que votre “produit” soit arrivé à maturité. Il est peut-être temps à ce moment-là de changer de méthode, comme le lean ou six sigma par exemple, lorsque le BAU devient la part dominante de la roadmap. La fin de vie d’un produit est aussi une opportunité de revenir au tableau blanc et trouver un nouveau besoin sur lequel concentrer les talents de l’équipe : vous êtes sur le point de pivoter.
Pour voir comment il est possible de transformer un système de centre de coût en un avantage compétitif, je vous invite à lire l’article qui sortira prochainement !
La série d’articles “Agilité et product management : De l’inspiration startup à la réalité des entreprises”
- Les limites des frameworks agile et du product management inspiré des startups
- Quel type de business avez-vous, logiciel, tech ou non tech ?
- Quand le numérique n’est pas un levier commercial
- Produit, oh mon produit, où es-tu ?
- Vendez vos produits à vos collègues ! -> cet article
- De centre de coût à intrapreneur
- IT et métiers peuvent-ils se comprendre ?
- Objectif business agility
- Agile, lean, cycle en V, ne doit-il en rester qu’un ?
- Apprenez à prendre des risques !
L’autrice : Houda Jemmali Linkedin