Quand le numérique n’est pas un levier commercial

SWOOD Partners
5 min readJul 24, 2024

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Dans les deux premiers articles de cette série, nous avons exploré les origines de l’agilité et du product management, leurs limites et les raisons pour lesquelles les exemples de réussite sont souvent tirés d’entreprises faisant du numérique leur cœur de business ou au moins un levier fort de business. Nous avons également introduit la notion de trois types d’entreprises en fonction de leur rapport au numérique : Software, Tech et Non-Tech.

Aujourd’hui, nous nous penchons sur les défis spécifiques auxquels sont confrontées les entreprises non-technologiques dans leur quête d’agilité et de culture produit, et sur les tentatives infructueuses qui ont été mises en place.

Loin d’être exhaustif, cet article a pour but uniquement d’illustrer des problématiques vues chez plusieurs clients.

Les tentatives d’adoption : entre espoir et désillusion

Les entreprises non-tech ont beaucoup essayé d’adopter des frameworks agiles tels que Spotify, SAFe, SpotiSafe ou encore Scrum, mais se sont heurtées à des difficultés. Difficile d’aligner l’organisation autour de “produit” quand on ne parle pas des même produits entre l’IT et les autres départements. Parfois, les systèmes numériques existants ont plusieurs décennies et sont le résultat d’une accumulation de projets fait sur le même thème (l’assurance automobile par exemple) avec des architectures de type monolithe (un seul gros applicatif) rendant l’autonomie des équipes affectés à différentes parties du monolithe impossible. Le contexte de l’applicatif existant en production depuis longtemps a probablement énormément changé, et aujourd’hui ce système n’est plus vraiment aligné avec l’organisation de l’entreprise ou les offres produits misent en face des clients de l’entreprise.

On essaie alors de s’organiser comme on peut, avec des limites fortes sur ce qui peut être mis en place.

Crédit illustration : Prashant Varshney

La confusion autour du concept de “produit”

La perception du “produit” peut différer considérablement entre les entreprises non-tech et tech. Si les produits de l’entreprise sont des contrats d’assurance, ou des trajets par train, alors comment sont appelés les systèmes numériques qui permettent à l’entreprise de rendre ces services ? Ces entreprises ont souvent vu naître avec l’avènement d’internet des “Digital Factory” pour répondre à ces enjeux de systèmes numériques qui se retrouvent exposés aux clients de l’entreprise. la plupart du temps les transformations agiles ont commencé par ces digital factory, puisque plus facile à mettre en place car se rapprochant des exemples d’agilité et de product management qu’on retrouve dans la quasi-totalité de la littérature sur ces 2 sujets. D’ailleurs, ces entreprises non-tech ont rarement des Head of Product ou Chief Product Officer, signe que la culture d’entreprise n’a pas encore réussi à aller vers une culture produit.

Rôles et responsabilités flous

Les rôles de Product Owner (PO) et de Product Manager (PM) peuvent être mal définis ou inexistants dans les entreprises non-tech. Comment mettre en place des Product Owner lorsqu’on n’arrive déjà pas à définir clairement ce qu’est le produit d’une équipe ? De même, si le product Owner ou Manager n’a pas les leviers nécessaires pour diriger son produit, étant obliger de faire valider par une personne tierce (plus haut placée, ou côté métier de l’entreprise) ou un comité toutes les décisions liées à la priorisation de l’activité de l’équipe, on rend impossible l’autonomie d’équipe, qui est un des piliers fondamentaux de l’agilité.

L’éloignement du client et de l’utilisateur final

L’identification et la compréhension des clients et utilisateurs peuvent être plus difficiles pour les entreprises non-tech. Les clients de l’entreprise ne sont (hors digital factory comme on a vu précédemment) pas les utilisateurs de la majorité des systèmes numériques de l’entreprise. Un enjeu est alors de définir pour qui on travaille. Est-ce d’autres employés de l’entreprise ? Voir plus flou encore, du réglementaire ? Difficile de mettre en place une culture client quand il est si loin de nous.

Culture de l’innovation limitée

L’accent mis sur l’efficacité et la conformité peut freiner l’innovation dans les entreprises non-tech. Lorsque la feuille de route d’une équipe ou entité est à moitié ou plus remplie de sujets qui nous sont imposés, comment faire pour avoir des feedbacks utilisateurs utiles ? Comment prioriser les sujets entre eux quand tout doit être fait ?

La perception de l’IT : un centre de coût plutôt qu’un créateur de valeur

L’IT peut être perçu comme un centre de coûts plus qu’un partenaire stratégique dans les entreprises non-tech. Que ce soit un héritage du passé ou une tendance plus récente, force est de constater que les relations IT/métiers sont souvent conflictuelles avec une relation de type client/fournisseur et non partenaires au service du succès commercial de l’entreprise. Les enjeux et objectifs de l’IT sont plus de livrer dans les temps et le budget alloué l’ensemble des projets métiers, et malheureusement l’IT peine souvent à livrer l’intégralité surtout quand de nouveaux projets non prévus sont apparus au cours de l’année, qu’il y a eu des coupures budgétaires, que des migrations techniques n’ont pas été fait en temps et en heure, …

Maintenant que nous avons établi ces définitions et éléments de contexte, on va passer à la suite. “Ok c’est bien gentil de nous dire qu’on ne peut pas être agile comme les autres, mais comment on fait du coup ?”, j’entends déjà cette question qui va légitimement être posée.

Dans les prochains articles, on va répondre en 2 temps à cette question. On va d’abord voir comment retrouver une culture produit, ou quelque chose qui s’en rapproche, telle qu’on nous la présente dans plein d’exemples d’entreprises tech, pour enfin s’y retrouver et voir les changements à faire pour que ça fonctionne aussi pour les entreprises non-tech. Ensuite, on verra comment on peut s’organiser pour faire que tout cela fonctionne.

La série d’articles “Agilité et product management : De l’inspiration startup à la réalité des entreprises”

  1. Les limites des frameworks agile et du product management inspiré des startups
  2. Quel type de business avez-vous, logiciel, tech ou non tech ?
  3. Quand le numérique n’est pas un levier commercial -> cet article
  4. Produit, oh mon produit, où es-tu ?
  5. Vendez vos produits à vos collègues !
  6. De centre de coût à intrapreneur
  7. IT et métiers peuvent-ils se comprendre ?
  8. Objectif business agility
  9. Agile, lean, cycle en V, ne doit-il en rester qu’un ?
  10. Apprenez à prendre des risques !

L’auteur : Brice Hugon Linkedin

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