Produit, oh mon produit, où es-tu ?

SWOOD Partners
6 min readSep 2, 2024

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Constat

Avant l’ère du numérique et de la propagation d’internet, les organisations proposaient des produits et services dont le vecteur principal était physique (produits tangibles et/ou services rendus par l’humain en direct).

Les organisations se sont modelées en conséquence pour optimiser les échanges entre équipes et expertises, comme le théorise la loi de Conway.

La loi de Conway est un aphorisme qui énonce que les organisations créent des systèmes à l’image de leurs propres structures de communication (référence Wikipédia).

Avec l’émergence des produits numériques et un changement avéré des habitudes des consommateurs avec la commoditisation des ordinateurs et smartphones, de plus en plus d’entreprises se sont trouvées face au défi de se numériser et d’aller explorer des marchés où les utilisateurs ont pris l’habitude de consommer via des interfaces numériques.

Cette transition fut assez intuitive pour les entreprises dont l’activité est nativement liée au numérique (les boites tech par exemple).

Ce passage fut plus compliqué pour les entreprises dont la tech n’est pas un levier commercial (cf. article 3 de la série).

C’est ainsi qu’on a vu l’apparition de digital factories et d’autres structures similaires dans un effort pour répondre à ce nouveau défi.

Et ces organisations ont dû faire face, et pour certaines font toujours face, au problème lié à la loi de Conway citée plus haut : les habitudes des consommateurs ont changé rapidement mais l’organisation interne des entreprises a eu du mal à suivre. Au lieu d’opérer des restructurations totales et très couteuses, beaucoup d’entreprises ont tenté d’apporter des transformations partielles à leur modèle d’organisation interne dans une tentative de se moderniser et d’attirer cette part de marché qui consomme du/via le numérique.

Dans cette transition, apparaît un nouveau défi : en changeant les canaux et la forme de livraison du produit ou service, et suite à toutes les transformations opérées, il est question de redéfinir ce qu’on entend par “Produit”.

Pour nous aider à y voir plus clair, il est peut-être pertinent de se poser quelques questions de base.

Miroir, oh mon beau miroir! Dis-moi quel est mon produit?

Quand les ères se succèdent, les habitudes changent et les identités se renouvellent. Certaines entreprises changent de produit et donc pivotent (Netflix, Nokia, Nvidia), d’autres continuent à vendre leur coeur de métier mais adaptent leurs canaux de distribution (Decathlon). De nouvelles entreprises émergent (GAFAM) et d’autres disparaissent (Itineris).

Avant de définir son produit, il est opportun de se poser quelques questions qui aideront à y répondre.

Quelles sont vos sources de revenus? Avec cette question, on explore les composantes de votre offre pour lesquelles un consommateur est volontaire pour payer, en retour d’un apport de valeur à son quotidien ou à son activité. (cf. article 2 de la série)

Quel est votre business model? Ce consommateur peut être l’utilisateur final (B2B, B2C) comme pourrait être une intermédiaire (B2B2C).

Exemple : Un assureur vend des polices d’assurance qui permettent de se prémunir de situations difficiles. Un particulier souscrirait à une assurance habitation (B2C). Un professionnel souscrirait à une assurance qui le protègerait contre les risques liés à son activité (B2B). Un agent achèterait certaines polices pour les revendre (B2B2C).

Le consommateur paie pour cette protection financière. L’accès au site web de l’assureur ou le compte client en ligne n’ont pas influencé le choix du consommateur.

Quel est votre modèle de gestion budgétaire?

Il est aussi intéressant de se pencher sur les habitudes de gestion de l’activité de l’entreprise.

Quelques modèles qu’on retrouve fréquemment sont:

  • Gestion capacitaire: A effectif (capacité) connu, les efforts de production de la valeur sont étalonnés sur la capacité à y répondre. Des incréments de valeur sont identifiés, priorisés et planifiés en conséquence (features, bugs, maintenance, etc.). C’est une approche qui est plutôt stable dans la durée.
  • Gestion en projets: Les projets identifient une valeur cible à atteindre à délais, périmètre et coûts connus. Pour répondre à cette initiative, les ressources sont allouées en conséquence et le suivi se fait jusqu’à la livraison du produit ou service attendu. L’approche projet est basée sur une projection court-terme qui a une date de fin connue et un livrable attendu.
  • Centre de service projet: Dans certaines structures, la relation avec les métiers est de type client/fournisseur. Les métiers exposent leurs besoins et l’IT les accompagne dans leurs travaux en répondant aux dépendances techniques. Souvent dans ce cas de figure, la tech n’est pas le levier commercial mais le socle sur lequel le produit monétisable repose.

Une fois qu’on a identifié tous ces paramètres, on peut enfin se poser la question : quel est mon produit?

Définir un produit

Le produit est avant tout une réponse à un besoin existant (inspiration Harvestr).

Un produit peut tout aussi bien désigner un objet physique et matériel, qu’un bien intangible ou un service. Ou même une combinaison de ces caractéristiques (exemples : SaaS, IaaS).

Dessiner les contours de son produit revient à identifier toutes les composantes indispensables à la livraison de la valeur attendue par l’utilisateur final.

Partant de ce principe, si un objet livre la valeur attendue, qu’on utilise la technologie ou pas, alors cela signifie que le produit n’est pas étroitement couplé à son écosystème numérique. Exemple : un produit vendu chez Sephora.

Le numérique dans ce cas de figure est un levier marketing et de distribution. Mais le numérique n’est pas le produit dans le cas où l’utilisateur final peut s’en affranchir en l’achetant en physique (B2C).

Le site e-commerce de Sephora par contre représente bien un produit mais dont les commanditaires sont les équipes marketing Sephora (tech en tant que centre de service) et dont les consommateurs sont les marques (B2B) qui commercialisent leurs produits dessus aux utilisateurs du site (B2C). Cet exemple s’affranchit bien évidemment des subtilités comme le fait que les marques sont aussi utilisatrices du backoffice du site e-commerce. On ne s’attarde que sur la vitrine du site pour servir d’exemple.

Ainsi, comprendre à qui on vend (le consommateur) et qui on sert (l’utilisateur) aide à définir ce qu’est notre produit.

Le produit répond à 3 dimensions : fonctionnelle, émotionnelle et sociale selon la théorie des Jobs-To-Be-Done de Tony Ulwick.

Grâce à ce cadre, il est possible de cartographier les besoins fondamentaux de l’utilisateur et les problèmes qu’il essaie de résoudre en faisant appel à un produit.

Cela donne une compréhension assez stable dans le temps des motivations de l’utilisateur et donc offre la capacité de s’affranchir du cadre limité du produit actuel et imaginer des solutions pertinentes et innovantes aux problèmes auxquels on souhaite répondre.

Cette cartographie s’appelle une job map. On publiera prochainement des articles plus détaillés à ce sujet si vous souhaitez en savoir davantage.

A partir de cette job map, et en examinant les opportunités de marché, il est possible d’identifier des leviers de croissance très intéressants.

Mais, revenons au cas où après tout ce travail d’introspection, on constate que la tech n’est pas un levier commercial.

Comment concilier ceci avec la course de la numérisation de toutes les plateformes et outils?

Comme illustré dans l’exemple plus haut, une chaine de valeur comprend au final plusieurs produits intermédiaires, invisibles du client final, qui interagissent en synergie pour livrer le produit commercialisé.

Donc il ne s’agit pas d’identifier un produit mais plusieurs. Ce socle inéluctable de composantes techniques et autres, participe à la création de valeur et il est aujourd’hui presque impossible de s’en affranchir. Il est donc indispensable de cartographier ce socle et les différentes chaines de consommation afin d’identifier clairement les produits, à qui ils servent et pour quoi ils servent.

Faire évoluer ce socle comme un produit est bien la réponse aux difficultés que rencontrent aujourd’hui beaucoup d’entreprises qui ont tenté de s’adapter au contexte actuel mais qui auraient encore du mal à concilier le métier et l’IT.

Reprenons l’exemple du produit vendu chez Sephora. C’est bien le produit physique acheté qui porte la réponse au besoin de l’utilisateur. Toutefois, pour livrer cette valeur, il a fallu conjuguer les valeurs de produits intermédiaires. On peut citer la chaine d’approvisionnement, les outils Marketing, les interfaces à destination des marques et l’alimentation des bases de données produits, etc.

Si on pilote la chaine d’approvisionnement comme un produit, on se souciera d’identifier nos consommateurs et utilisateurs, de bien comprendre la problématique et les enjeux auxquels on répond, de trouver des solutions innovantes et pertinentes et de maitriser les critères de succès pour l’ensemble de nos consommateurs et utilisateurs. On s’assure ainsi d’acheminer les produits physiques à bon port, rapidement, dans un excellent état de conservation, pour pas cher et respectueux de l’écologie.

Les articles qui suivent tenteront d’apporter une réponse concrète pour pouvoir implémenter cette philosophie.

La série d’articles “Agilité et product management : De l’inspiration startup à la réalité des entreprises”

  1. Les limites des frameworks agile et du product management inspiré des startups
  2. Quel type de business avez-vous, logiciel, tech ou non tech ?
  3. Quand le numérique n’est pas un levier commercial
  4. Produit, oh mon produit, où es-tu ? -> cet article
  5. Vendez vos produits à vos collègues !
  6. De centre de coût à intrapreneur
  7. IT et métiers peuvent-ils se comprendre ?
  8. Objectif business agility
  9. Agile, lean, cycle en V, ne doit-il en rester qu’un ?
  10. Apprenez à prendre des risques !

L’autrice : Houda Jemmali Linkedin

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